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L’APPEL AU SOLDAT

l’imprimerie. Il s’agit de mettre aux mains du public ma réponse, et, en dénonçant ces ineptes calomnies, de couper l’effet du réquisitoire qui sera prononcé dans quatre jours. J’attends de votre dévouement que vous me serviez de secrétaire.

Toute la nuit, Boulanger dicta, sans une note, inspiré par une sorte de fureur, comme un homme dans un guet-apens combat pour sa vie jusqu’au jour. Il se promenait dans ce long cabinet encombré à l’anglaise de bibelots vulgaires qui dénonçaient la maison meublée. Mais, pour ce soldat et pour son fidèle, cette nuit il n’y a plus d’exil : ils sont au centre de la nation et lui distribuent comme des armes les arguments dont elle frappera demain ces parlementaires, les vrais exilés, eux, puisqu’elle les bannit de son âme.

Au dehors, Londres peut mener son triste grondement, Sturel, Boulanger, n’entendent que la voix des Buret et des Alibert, contre lesquels il faut que se défende un général tombé sur quatre champs de bataille et cité deux fois à l’ordre de l’armée. Le gouvernement obtient le concours absolu de Buret, repris de justice trois fois condamné, en le menaçant d’exhiber son casier judiciaire, et il lui servira jusqu’à sa mort, pour récompenser sa déposition, deux mille cinq cents francs de rente. Alibert, misérable escroc, mourra le nez dans le ruisseau, d’une crise de delirium tremens. « Français ! — répond le Général, haussant la voix par-dessus les injures de ces misérables, — vous pouvez en toute tranquillité me garder votre confiance : je n’ai pas conspiré ; j’ai voulu, au grand jour et pour le bien national, prendre part au gouvernement de mon pays. Je n’ai pas volé… »