Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
417
BOULANGER S’ESSUIE LE VISAGE DEVANT STUREL

— Dans les circonscriptions où nous possédons peu de chances, les conservateurs présentent des candidats et nous les appuyons. En revanche, ils votent pour les nôtres partout où ils se sentent en minorité. C’est raisonnable, car la première partie de notre plan de campagne concorde avec le leur : il s’agit de battre la coalition opportuniste. Nous groupons donc toutes les ressources ; ce qui, soit dit entre parenthèses, nous permettra de subvenir largement aux dépenses des nôtres.

Il démontra la moralité et la sûreté de la combinaison. Dans cette volte-face, ce pessimiste, tourné soudain au plus réconfortant optimisme, parut irréfutable : on parlait en l’air, sans dossier, il suffisait de bien raisonner, et voilà précisément où il excellait.

Vers minuit, quand Sturel voulut suivre le philosophe du Comité qui se retirait, Boulanger le retint :

— J’ai disposé de vous pour travailler avec moi cette nuit. Donnez un mot au domestique ; il prendra votre bagage à votre hôtel ; vous serez mon hôte. Je ne dérange pas vos projets ?

Il fit une plaisanterie de soldat, que, sur le départ de Naquet, il arrêta court, — comme en sortant de scène on interrompt son rôle, — pour se laisser envahir par des soucis qui le vieillirent de dix ans.

D’un meuble à clef, il tira une liasse d’épreuves d’imprimerie :

— Voici le volume des témoignages recueillis par M. Quesnay. On va le distribuer aux membres de la Haute-Cour. Ce brave Mermeix nous a rendu le signalé service d’en détourner un exemplaire à