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BOULANGER S’ESSUIE LE VISAGE DEVANT STUREL

ront pourtant de ratifier les choix que vos cahiers proposent.

La figure de Boulanger se contractait ; il se leva.

— Ne vous inquiétez pas ; sur leurs noms, c’est pour moi qu’on votera. Nous aurons le dernier mot.

— Pardon, insista Sturel, on ne les croira pas vos amis, et, s’ils se prouvent tels, on cessera de vous aimer. Ils échoueront où l’on vous eût nommé et vous subirez leur échec.

— La première condition de succès, c’est la discipline et la confiance. Il ne faut pas jouer ici les prophètes de malheur.

Sturel n’avait qu’à se retirer.

L’imagination s’enivre à surprendre chez Boulanger, dès août 1889, les prodromes de cet épuisement nerveux où un homme, hier encore intact, sent si vivement toute contrariété qu’à la fin il lui plaît de se détruire.

Le jeune homme attendit pourtant à Londres les résultats du ballottage pour les conseils généraux. Le samedi 3 août, Renaudin lui transmit le désir du Général qu’il revînt à Portland Place. Mal informé de l’incident, le journaliste supposait que Sturel avait plaidé la thèse du retour en France. Ils causèrent de ce projet, que tous les lieutenants travaillaient à faire accepter du chef, en même temps qu’ils le louaient publiquement de son départ.

— Faut-il croire ce qu’on prétend ? demanda Sturel ; certains politiques de la droite voudraient le ramener et le voir en prison ; à la faveur de l’émotion populaire, ils feraient passer leurs candidats en septembre, puis ils se retourneraient contre notre ami qui les inquiète.