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BOULANGER S’ESSUIE LE VISAGE DEVANT STUREL

le boulangisme, et il jugeait que M. Naquet manquait à son devoir en se soustrayant au rôle de sage. Le Général s’appliquait, comme il fit au ministère, puis rue Dumont-d’Urville, à gagner les sympathies du milieu où les circonstances le plaçaient ; on devait l’approuver de maintenir sa force figurative ; sa présentation au prince de Galles et l’accueil empressé de l’opinion anglaise répondaient avec avantage aux violences de la Haute Cour, et les réduisaient à leur basse qualité de manœuvres électorales, mais le jeune homme, avec son esprit réalisateur de lorrain, plaçait avant tout de fournir des candidats aux électeurs, puisque au dernier mot l’idée boulangiste devait s’exprimer en bulletins de vote.

Au sortir de cette visite, Laguerre et Naquet emmenèrent leur visiteur déjeuner au restaurant. Ils convinrent qu’il raisonnait à merveille et avouèrent un peu de désordre. Ils se chargeaient de le réparer. Ils comptaient sur la veine du Général. Dans leurs tournées de propagande, l’enthousiasme des partisans avait toujours soulevé un nuage qui leur masquait l’horizon. Et ce grand nombre de solliciteurs qui débarquaient par chaque bateau de tous les départements ne leur laissaient pas une heure où ils pussent juger par eux-mêmes.

— Considérez, disait le subtil Naquet, que, si nos amis Nelles et Suret-Lefort ne peuvent être affichés comme nos candidats propres, on doit en conclure que le Général trouvera dans la prochaine Chambre beaucoup d’adhérents en plus de ses candidats officiels.

Le sénateur partit avant la fin du déjeuner pour Portland Place où il allait annoncer Sturel au Gêné-