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STUREL RETOMBE SOUS LE JOUG DES CIRCONSTANCES

de professeur ; il n’y a pas à restaurer la France comme Viollet-le-Duc restaurait les vieilles cathédrales, en les rebâtissant d’après les plans de jadis. Saint-Phlin fait l’archéologue et refuse de se soumettre aux lois qui, de la mort, font sortir la vie.

— cette vie, pourquoi ne pas la dégager des secousses du boulangisme ?

— Le boulangisme ! ce n’est plus qu’une échauffourée. Pas un mot dur ne sortira de ma bouche pour ton Général, à qui je vois un seul tort : ce n’est pas qu’il manque de génie, mais c’est qu’il n’a pas trouvé les circonstances, la situation dont il aurait pu être l’homme. Les honnêtes gens comme toi, Sturel, les intrigants comme notre Suret-Lefort, vous demeurerez tous, faute d’un état d’esprit national qui vous supporte, des Français qui ont manifesté des intentions, des aspirations. Quand tous les cantons, dimanche, nommeraient Boulanger conseiller général, la tâche que tu rêves pour le boulangisme serait-elle mieux comprise par les boulangistes ? Ce sont eux-mêmes et Boulanger qui feront faillite à ton rêve. Je suis un réaliste ; si quelque jour je trouve un point d’appui pour une construction, si telles forces, aujourd’hui disséminées, prennent confiance, si elles se groupent pour devenir un puissant instrument, alors, l’affirmation et l’action devenant possibles, je tiendrai pour mon devoir de consacrer mon énergie à la vie publique. En attendant, il n’y a place que pour l’exploitation au jour le jour, pratiquée par nos opportunistes, et votre généreuse tentative convient seulement aux artistes qui se contentent d’éprouver des émotions, ou aux ambitieux qu’un bruit quelconque remplit d’aise.