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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

midi, il y eut de la froideur entre eux, d’autant que Coblence, à qui ils dédaignaient de donner un sens, ne les unissait point comme eût fait certainement Metz.

Le soir, en attendant le dîner, et leurs malles déjà bouclées, les deux amis étaient assis sur un banc devant l’hôtel. Sturel songeait avec un mécontentement de soi-même à Mme de Nelles, dont il venait de lire une lettre plaintive. Cette puissance de remords s’étendit ; il se blâma de se sentir irrité par des indices contre celui à qui il devait les bénéfices certains de ce voyage ; enfin, dans une sorte de transport, il sollicita de son ami une légère concession. Il s’écria brusquement :

— N’est-ce pas, Saint-Phlin, quand même les Français différeraient de comprendre le danger auquel veut parer le boulangisme, et quand ce mouvement échouerait, nous serions quelques-uns pour honorer et servir la mémoire du Général ?

— Mais que veux-tu, mon brave Sturel, répondait l’autre surpris, s’il échoue, on ne s’occupera plus de ce pauvre homme.

Saint-Phlin avait l’esprit social et Sturel l’esprit partisan. Et puis chez l’un et l’autre, à la suite de cet effort de l’intelligence, se produisait un ébranlement de la sensibilité. Ils étaient moins des gens à système que des âmes totales, agissantes, et tandis que l’un rêvait de servir un chef et de se dévouer, l’autre projetait de fonder une famille et, par avance, aimait ceux en qui revivraient ses pensées. Leur cœur montrait ses exigences, et des solutions diverses les attiraient. Après avoir posé la question nationale dans des termes communs et s’être déve-