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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

choisir entre les passions particulières qui nous animent, signes nécessaires de nos divers tempéraments ; il doit les absorber dans une passion plus vaste, et recréer ainsi l’énergie nationale. Qu’il prenne connaissance du haut rôle qui lui semble réservé d’être un des expédients de la France dans une des périodes les plus critiques de notre histoire.

Sturel, il y a quinze jours, quand il arrivait à Saint-Phlin fier de posséder la confiance d’un chef, s’était choqué de ce mot « expédient ». C’est qu’il se faisait du boulangisme l’idée oratoire qu’en fournissent les tribuns et les journalistes, du parti. Aujourd’hui il embrasse la série des événements, il voit une situation nationale presque désespérée ; et que son Général soit l’« expédient » de la France, cela cesse de le froisser, mais le convainc d’aimer davantage l’homme à qui les circonstances confient un rôle si grave et peut-être sacrifié.

Il se voit déjà à Londres :

— Boulanger n’est pas un idéologue. Nos idées, détachées des paysages où nous les avons cueillies, lui paraîtraient un peu en l’air. Il me demandera des conclusions pratiques.

— Un plan d’action ? Sturel, c’est votre affaire. Mais de notre point de vue lorrain, voici l’état des choses : d’abord sa première grande occasion est passée. Que n’a-t-il saisi l’affaire Schnœblé ! Faire la guerre, ce jour-là, restituer Metz et Strasbourg à la France, créer un État catholique autour de Trêves et comme une haie austrasienne contre le vent de Prusse si dangereux à nos plantes françaises (j’ai bien le droit de rêver, n’est-ce pas ?), et puis, soutenant de provincialisme notre patriotisme, cultiver