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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

des échanges et des transports, on doit conclure que les trois siècles romains placés à la racine de la plante locale influèrent comme un chaud fumier sur son développement général. Devant un bas-relief funéraire où des élèves écoutent docilement la leçon d’un magister, Saint-Phlin disait :

— Les vois-tu, ces petits Trévires qui sont en train de se faire certaines conceptions du droit, de l’État ! En trois siècles, elles ont dû leur entrer dans le sang. Elles n’en sortirent pas en même temps que les légions vaincues se repliaient sur le Midi. À l’appel d’un poète, un tel passé vaguement renaîtrait. Que ce pays près de quinze siècles ait été la résidence d’évêques et d’archevêques électeurs, ce n’est pas une mauvaise condition pour la permanence des éléments latins. On dit que le désir de garder le fructueux pèlerinage de la « Sainte Tunique » a contribué à faire repousser la Réforme ; eh bien, un tel culte et cet attachement au catholicisme prouvent un sang où des globules fidèles s’accordent encore avec le sang d’Italie. Hypothèse, peut-être ! Un poète en ferait une vérité. Il restituerait une autonomie à ce territoire pour la gloire de Trêves et pour le bien de la France. Il nous servirait mieux qu’une armée. Ah ! si nous pouvions leur procurer un Mistral !

— Quelle place tu accordes à l’auteur de Mireille ! dit Sturel un peu surpris.

— C’est que celui-là, précisément, des cimetières dégage la vie. Mistral a restauré la langue de son pays, et par là, en même temps qu’il retrouvait une expression au contour des rochers, à la physionomie des plantes et des animaux, à la transparence de l’air, à la beauté des nuages et par cette même voie