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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

Sturel et Saint-Phlin voient bien, d’après la hâte des petits enfants de Lorraine à rendre un bonjour amical au salut français d’un inconnu, que ceux-là, comme les pères, maintiendront la France. Et pourtant, après la classe du village, le petit annexé trouve cette autre école, le régiment, là-bas, dans les plaines de Prusse où un conscrit lorrain souffre d’un grand malaise. À ce drapeau que par la force il sert, doit-il lier son honneur ? ou bien l’honneur serait-il de le trahir à l’occasion ? Malheur au peuple qu’on accule à de tels débats où la conscience ne trouve pas une solution satisfaisante… Et puis cet annexé que n’ont pu entamer ni l’école ni le régiment, faudrait-il encore qu’il se ferme les administrations ? Et s’il lutte toute sa vie, ne se résignera-t-il pas dans ses enfants ? Quand même la bouche jamais ne renierait la France, un instant viendra qu’au milieu des conditions de vie organisées à cet effet par une administration merveilleusement intelligente, les cerveaux seront germanisés et le sang mêlé. Un idéal chasse l’autre, avec le temps, par des mariages et par l’éducation… C’est un délai de vingt-cinq années, de trente-cinq peut-être que Metz, Thionville, Sierck nous consentent.

À chaque pas, Sturel et Saint-Phlin se sentaient plus attachés au général Boulanger :

— Il est l’occasion précieuse pour la France de remplir son devoir ; Si son mouvement échoue, on ajoute gravement aux présomptions qu’il y a d’une acceptation définitive du traité de Francfort. Mais, concluaient-ils, notre voyage nous précise l’ampleur que nous devons donner au boulangisme : ce ne doit pas être un effort uniquement militaire, car notre