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L’APPEL AU SOLDAT

une haute pyramide ; Deux inscriptions terribles lui donnent un sens complet. L’une tirée des Écritures :

malheur à moi !
fallait-il naître pour voir la ruine de mon peuple
la ruine de la cité,
et pour demeurer au milieu, pendant qu’elle est livrée
aux mains de l’ennemi !
malheur à moi !

Cette plainte, cette imprécation, le passant français l’accepte dans tous ses termes, et l’ayant méditée, se tourne vers la France pour lui jeter : « Malheur à toi, génération qui n’as pas su garder la gloire ni le territoire ! » Et aussitôt encore : « Malheur à moi ! » Ne faut-il pas, hélas ! que tous, humblement, nous supportions une solidarité dans le crime commis, puisque, après tant d’années écoulées et les enfants devenus des hommes, rien n’est tenté pour la délivrance de Metz et de Strasbourg que nos pères trahirent ? Il semble qu’il y ait eu dans le premier instant, chez Gambetta, quelque instinct du devoir ; la vie nationale allait tendre uniquement à la réfection de la France. Il préféra passionner la masse agissante sur des abstractions où il n’y avait que des amorces électorales. La clientèle, tant bien que mal recrutée, qui reçut de ses mains le gouvernement de la France, comprit que le retour de Metz et de Strasbourg dans l’unité française installerait une nouvelle équipe de dirigeants. Elle ne veut pas d’une revanche. Elle fait croire à des vaincus que donner des fêtes à l’Europe, c’est de la gloire. La plus belle au bal ! Voilà le misérable idéal qu’ils composent à la nation. Dans ce printemps de 1889, Carnot en tête, les parlementaires viennent d’inaugurer la Danse du ventre et