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L’APPEL AU SOLDAT

Ces rêves et ces sentiments, la nature entière les partage à chaque fois qu’un excitateur, tel Boulanger, ministre de la Guerre, crie le « Garde à vous » qu’il faut pour mettre en action et monter au même plan des hommes, accaparés dans l’ordinaire par les conditions propres de leur vie ; et combien ils croîtront chez celui qui ne se borne pas à connaître Metz dans les événements contemporains. À la suivre parmi les siècles, on voit à cette ville un foyer d’énergie intérieure : dans sa résistance à la germanisation, elle se conduit exactement comme le veulent les lois qui ont présidé à son développement et non point selon une émotion accidentelle, mais par une nécessité organique.

Metz posséda un esprit et un droit municipal avant qu’il existât un pays de Lorraine. Son dicton en gardait fierté : « Lohereigne est jeune et Metz ancienne. » Tombée aux mains du roi de France, en 1552, elle ne perdit point le sentiment de soi-même, et mieux qu’aucune ville elle demeura une bourgeoisie où chacun se connaissait et trouvait avantage à se conduire avec honneur. Une famille messine, c’est quelque chose de considérable en Lorraine : d’une façon confuse, elle garde le prestige des anciens bourgeois qui possédaient des droits et satisfaisaient à des devoirs. Si les paysans des villages travaillent encore la terre avec des méthodes et dans des sentiments de discipline hérités des vieux groupes gaulois et des villas romaines, Metz, la métropole de cette petite civilisation, subit l’influence morale de ses vieilles libertés. Sa municipalité, qui lutte aujourd’hui avec une connaissance parfaite du possible contre les immigrés et contre l’administration, ne fait