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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

voudra interpréter en beautés ces jolis endroits d’une douceur un peu atone ?

À mi-chemin de leur course, Sturel et Saint-Phlin atteignirent le confluent de la Meurthe et de la Moselle. En vain de grandes cheminées et les scories des hauts-fourneaux, dites « des laitiers », s’amassent sur ce point jusqu’à menacer de clore la vallée ; Saint-Phlin dit à Sturel :

— Voici l’endroit que j’aimerais entre tous célébrer. J’y distingue des éléments variés de romanesque. C’est un des points où tenaient les fortes racines de nos Guises, ils possédaient ici un château, et la Moselle y réfléchit la petite enfance de Marie Stuart, pareille elle-même, ne trouves-tu pas, à cette rivière.

Sturel, intrigué, demandait le nom d’un village sis en aval.

— Il a pour nous, continuait Saint-Phlin, un son particulièrement grave… Mais tu vas le deviner si je te le signale comme l’ancienne seigneurie d’une famille qui, dans un court espace et en ligne directe, nous a donné un soldat tragique, une jeune femme touchante et un romancier saturnien que les littérateurs « décadents » auraient dû recueillir.

Enfin, il le mit sur la voie.

— C’est la patrie d’un assassin que nous avons vu grandir.

— Racadot ! s’écria Sturel. Nous sommes à Custines !

La première roue de sa bicyclette glissa dans une forte ornière, et, après quelques cahots, il s’en alla sur le sol, où, selon la coutume, il ne se fit aucun mal.

Racadot ! l’assassin de Mme  Astiné Aravian, la belle