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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

çois, nous allons recevoir trois grandes leçons ! (Et il les comptait sur ses doigts.) D’abord le pays historique du duché de Lorraine, ensuite la région messine, aujourd’hui l’esclave Elsass-Lothringen, enfin l’archevêché de Trêves, antique pays romain que l’influence française a si longtemps disputé à l’Allemagne.

À dix heures, quand ils descendirent prendre une tasse de thé avant que la vieille dame se couchât, leurs deux imaginations s’étaient suffisamment échauffées et associées pour qu’on augurât un bon profit de leur voyage, et la grand’mère, considérant ces bonnes têtes de garçons animés par l’avidité de faire parler la terre et les morts, se réjouissait que son petit-fils allât dans la brise vivifiante de la Moselle passer une belle quinzaine de grand air et de bonne amitié.

(D’Épinal à Toul, 65 kil.)

Pour procéder systématiquement et prendre la Moselle à sa source, ils allèrent en chemin de fer chercher à Bussang leur point de départ.

Cette pleine montagne, tout en « ballons » couverts de sapins, est d’un grand air sévère. — Si l’on gravit les pentes, sur un sol feutré de fines aiguilles où le pied glisse, et sous une voûte formée par les cimes, seules respectées, de ces arbres que l’administration ébranche, c’est indéfiniment un monotone spectacle de troncs bruns et résineux, tous pareils, s’élevant droit vers le ciel, avec au bas une maigre mousse. Cette monotonie, cette régularité, cette pauvreté même reposent les nerveux. Ordre, calme et beauté : une beauté apaisante que Puvis de Cha-