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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

d’escorter l’équipage royal à Sainte-Menehould, Clermont, Varennes, Dun et Stenay, en ralliant des détachements postés sur le parcours. D’après les calculs raisonnables, le roi, parti à minuit de Paris, atteindrait Pont-Sommerville avant trois heures de l’après-midi, précédé d’une heure par un courrier. Vers cinq heures et demie, M. de Choiseul, pressé et menacé, ainsi que ses hussards dont il n’était guère sûr, par une population soupçonneuse, crut le voyage différé et se retira en décommandant toute la chaîne jusqu’à Stenay. Une heure plus tard, les fugitifs arrivaient. Continuellement penchés à la portière, ils ne voyaient rien que des villes et des villages en émoi ; vers huit heures, ils relayaient à Sainte-Menehould, où les trente dragons postés, ayant dessellé, disparaissaient dans un peuple excité. Un homme de vingt-huit ans, dégourdi par sept années de service dans la cavalerie et royaliste constitutionnel, Cadet Drouet, le fameux maître de poste, reconnut la reine et soupçonna le roi dans celui avec ce nez et cette lèvre qui faisait le valet de chambre. Il prévint la municipalité et reçut la mission de les poursuivre. Il faut voir les choses comme elles sont et comprendre les époques : dans la suite, tout le monde a pris son acte en horreur, mais tout le monde alors voulait l’accompagner. On n’avait que deux chevaux et il choisit son ami Guillaume. Quand ils atteignirent Clermont, les voitures royales venaient d’en partir pour Varennes ; ils ne s’arrêtèrent pas… À ces huit heures du soir, le pays était déjà soulevé et les troupes de Pont-Sommerville, de Sainte-Menehould, de Clermont égarées dans les bois ou prisonnières des communes.

Sturel jouissait beaucoup de suivre sur les lieux