Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
UNE SURPRISE DE PREMIER AVRIL

Saint-Phlin lui ayant écrit une nouvelle lettre sur l’esprit politique en Lorraine, il la transmit au Général qui demanda d’autres détails.

Depuis longtemps, le jeune rural invitait Sturel à visiter sa propriété de Saint-Phlin où maintenant il séjournait presque sans interruption. Il engageait son ami à prendre dix leçons de bicyclette et lui promit une excursion tout à fait instructive dans la région de l’Est. « Tu m’en sauras gré toute ta vie et tu serviras ton Général. »

Ces derniers mots décidèrent Sturel. Il s’inquiétait de sentir confusément que les lieutenants boulangistes se donnaient plus à un brillant verbalisme qu’à des organisations positives. Il leur demanda ce qu’on pensait et préparait en Lorraine ; ils le pressèrent de l’aller voir. Il reconnut que chacun, soucieux seulement de sa circonscription, cherchait à jouer un rôle en façade et à s’épargner des besognes sans gloire. Ce qu’il y a de vain et de brouillon dans les mœurs des politiciens le disposait par contraste à se représenter avec attendrissement la solitude, l’heureuse obscurité où son ami passait sa vie parmi les habitudes de sa première enfance. Il l’envia, c’est-à-dire, car il n’avait pas de sentiments bas, qu’il l’admira et qu’il eut hâte de le lui exprimer.