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L’APPEL AU SOLDAT

qui faiblit et, disent-ils, les trahit, songent à l’abattre eux-mêmes, à jeter sa tête dans le Parlement, avec un audacieux appel : « En récompense, ne partagerez-vous pas avec nous une partie des pouvoirs que par lui nous pouvions vous arracher ? » La loi favorise ce genre d’opération qui est proprement de la politique ; elle acquitte le faux-monnayeur livrant son complice. Mais il fallait de la décision d’assassin, et dans ce tournant trop brusque, les opérateurs risquaient d’être écrasés entre leurs propres troupes lancées à fond de train et des adversaires peu pressés d’ouvrir les rangs. Leur amitié pour l’homme, leur dignité, l’incertitude de la volte-face, les chances qui subsistaient les convainquirent de demeurer disciplinés. Mais dorénavant ils se font pour leur propre usage une représentation du Général fort différente de celle qu’ils continuent d’afficher, et, s’ils croient toujours au boulangisme, ils doutent de Boulanger,

Seul Thiébaud osa couper net. Il saisit l’occasion de publier une mésintelligence née de l’installation du comte Dillon, orléaniste, au poste intime que lui, plébiscitaire, prétendait à tenir. Dans ce parti qu’il croyait son œuvre, il avait subi des déceptions personnelles et des mécomptes d’idées. C’est entendu : on souffre plus des officiers de son régiment que des officiers du régiment ennemi. Les amertumes qui abreuvent tout politique expliquent sa protestation, qui, d’ailleurs, parut inexplicable. Il ne parvint pas à redresser le boulangisme, ni à se dégager soi-même. Il disait : « Je ne veux pas demeurer une minute de plus solidaire de qui que ce soit ayant donné au général Boulanger le conseil de passer la frontière…