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L’APPEL AU SOLDAT

ment, elles se déroberaient, et ne fournissent même pas un peu de clairvoyance.

Les quinze cents invités que les trois étages et les escaliers de Nelles sont impuissants à contenir exagèrent les hommages au chef et prodiguent, jusqu’à le déprécier, le vocabulaire du parti ; ils manquent de l’essentiel, à savoir de la sensibilité boulangiste. Indifférents à l’ignominie du régime, bien qu’ils couvrent Constans des injures du jour, et à la réfection de la patrie, bien qu’ils crient : « Révision ! Révision ! » ils ne demandent aucun long projet, mais, comme des hommes sans foi réclament des miracles, ils veulent des preuves indéfiniment répétées de la force qui les rallie.

Le Général, si maître de soi au ministère de la Guerre, à Clermont, dans le Nord, et même au 27 janvier, subit d’un tel milieu des impressions nerveuses. Dans ce salon profondément anarchiste où l’unité est faite, non par le consentement à une doctrine, mais par la soumission au succès, et qui adhère au parti sans y collaborer, il sent des égoïsmes sur lesquels son action nationale n’a pas de prise. Ses agents, qui se conforment d’instinct aux nécessités, vont répétant à travers cette foule sans cesse accrue d’habits noirs :

— La Chambre peut bien repêcher Constans ; le pays demain l’aura jugé sur les textes authentiques du procès Baratte.

Un mouvement d’admiration rapproche de lui, dans un élan joyeux et rapide comme un geste de jeune homme, tout invité qui entre et demande : « Le Général, ou est le Général ? » Nelles, enfin, donne le signal, assemble, excite, organise le défilé,