Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
L’APPEL AU SOLDAT

différent des autres, si grave, et quand il requérait contre le Panama, elle voulait qu’il possédât comme elle une petite âme fine et froissée par ces grossières histoires de politique. Son regard cherchait Rœmerspacher, qui, seul, n’avait pas mis à sa boutonnière l’œillet rouge préparé pour chaque convive, et tous deux sans paroles échangeaient des pensées d’aînés sur un cadet étourdi, charmant et ingrat.

Au sortir de la salle à manger, en homme d’action bronzé par les nécessités de la vie et qui parle avec une mélancolie affectueuse à un ingénu, à un poète tel qu’il fut lui-même, Nelles mettait sa main, son bras tout entier sur les épaules de Sturel ; il l’appelait François et, l’attirant près du chef, il cherchait à le prémunir contre les dangers de mêler la vertu et la politique. Il croyait pour sa part au succès du Général ; il le souhaitait comme une délivrance nationale, mais il défendait à un grand parti d’inquiéter le pays par des crises financières. Qu’est-ce que cette pétition déposée à la Chambre contre les administrateurs de Panama ?

— Ah ! continuait-il, qu’on vienne comme Cassagnac reprocher au gouvernement de n’avoir pas soutenu la Compagnie, cela est habile ! Et sur ce terrain, vous serez appuyé par des hommes tels que Bouteiller, un adversaire dont personne ne peut nier la grande valeur. Hors cette juste récrimination, le vrai politique ne trouvera comme armes dans cette triste affaire que des cancans. On demande autre chose au Parti national. Plus de réformes que de poursuites, et plus de progrès que de scandales, voilà ce qu’on attend de vous, mon Général.

Et il obtenait enfin de Boulanger cette déclaration :