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UN SOLEIL QUI VA BIENTÔT PÂLIR

Arthur Meyer s’occupèrent de parer à cette disparition que seuls encore ils connaissaient. Nelles, passant rue Dumont-d’Urville pour s’assurer que Boulanger n’oubliait pas son dîner du 16, trouva le capitaine Guiraud assis sur une banquette devant le cabinet de travail et qui disait à la foule des visiteurs :

— Le Général ne peut pas recevoir ; il s’est enfermé pour préparer l’important discours qu’il prononcera après-demain dimanche, à Tours.

Le Hérissé venait de partir à Bruxelles supplier le fugitif, quand, vers minuit, celui-ci apparut aux bureaux de la Presse. Rassuré par la lecture des journaux qui ne mentionnaient aucune arrestation, il jugeait bon de différer son exil.

Le 16, à midi, Dillon, Rochefort et Laguerre déjeunèrent rue Dumont-d’Urville. Mis en possession des documents de l’affaire Baratte, le député de Vaucluse exprima ses répugnances très vives à les porter devant la Chambre. Dillon voulait encore négocier. Boulanger insista durement. Informé par ses officieux de son arrestation imminente, il renonçait à intimider Constans et n’espérait plus que le briser. Enfin, Laguerre dit le grand mot boulangiste :

— Est-ce un ordre, mon Général ?

— C’est un ordre.

Le jeune député s’inclina. Jamais on ne le vit plus impertinent, plus âpre, plus dédaigneux que dans cette séance où sa main promenée sèchement de haut en bas, par un geste monotone qu’il avait gardé de son premier culte pour Saint-Just, semblait annoncer que le parti serait implacable, comme le couteau de la guillotine. Quand le ministre gravit la tri-