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L’APPEL AU SOLDAT

l’autre qui soutenait « l’impossibilité pour des soldats de vaincre sans chef ». Il prit enfin la parole. Les raisons pour et contre lui paraissaient graves. Il différait de décider. Mais s’il était amené à l’acte politique de se soustraire à ses ennemis, les conseillers du parti devaient le couvrir de leur responsabilité. Le vice-président du Comité national ne pouvait pas lui refuser une lettre où il l’engagerait à s’éloigner.

Naquet l’écrivit et fut embrassé avec une émotion sincère par le Général. À la Chambre, l’après-midi, tandis qu’on discutait violemment la demande en autorisation de poursuites contre les députés ligueurs, Boulanger obtint de Laguerre et de Laisant deux lettres analogues, puis, sans attendre le vote, il quitta le Palais-Bourbon À neuf heures du soir, il prenait le train pour Bruxelles.

Dès quatre heures, en grand secret, le comte Dillon avait averti M. Arthur Meyer, pour connaître l’effet que le départ produirait à droite. Il s’excusa, disant :

— Je suis désolé comme vous ; j’obéis à mes ordres.

Dans la soirée, à Neuilly, tout en brûlant ses papiers, il promit de s’employer à ramener le Général, qu’il devait rejoindre à Bruxelles par le train de six heures du matin.

Cependant vingt patriotes dînaient avec Déroulède et Naquet, avec Laisant, Laguerre et Turquet. Tous prévoyaient leur arrestation et voulaient que le commissaire les trouvât en train de rompre gaiement le pain avec leurs amis.

Le lendemain, 15, Mme d’Uzès, Laguerre, Laisant,