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L’APPEL AU SOLDAT

Ducret s’était ouvert à Mouchefrin, qu’il jugeait fort justement incapable de ne point le vendre. Bouteiller écouta avec délices ce malheureux qui sentait le linge sale. Il n’était pas tourné à s’émouvoir d’un concussionnaire ; il se réjouissait d’une lutte au poignard. Sans doute, l’avantage resterait à Constans défendant sa peau avec le concours de toutes les forces de l’État. Mais une telle attaque, alors même qu’elle acculerait le Parlement à se défaire de son ministre, réunira contre Boulanger une masse d’indécis qui, pour subvenir à leurs besoins, commercent de leur influence. Le député de Nancy, à la façon d’un chiffonnier dans un tas d’ordures, examina pendant une heure tout ce qu’il y avait dans Mouchefrin. Pour se donner de l’importance, celui-ci peignit un Suret-Lefort tout désabusé du boulangisme.

— Ce remords ne m’étonne pas d’un garçon intelligent, dit Bouteiller. La fin de cette farce approche. Le gouvernement mettra bientôt au violon ce général de café-concert. Nous sommes disposés — et il ne peut nous déplaire qu’on le sache rue Dumont-d’Urville — à écouter ceux qui, sans engagements préalables avec la République, ont écouté un soldat français. Nous ne rejetons que des malheureux comblés de nos faveurs et qui ont essayé de nous étrangler.

Il remit de sa poche cent francs à Mouchefrin et l’engagea à revenir.

Tandis que Bouteiller se gardait d’avertir Constans, Mouchefrin courait chez Renaudin, le « tapait » de dix francs et le mettait à même d’écrire sur le procès Baratte des articles inexacts, qui promettaient