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L’APPEL AU SOLDAT

— Entendu ! Nous marchons d’accord !

Puis à sa femme :

— Dites donc, Thérèse, si vous nous faisiez dîner tous ensemble avec le brave Général ? (Et se frottant les mains) Vous nous donnerez un bon dîner, hein ! Tant pis si ça coûte cher !

Il se sauva, convaincu d’avoir effacé les distances et bien incapable de comprendre que sa vulgarité écœurait tout ce petit monde.

Mme  de Nelles fit d’abord une moue dégoûtée, puis elle pensa que cette réunion amuserait François.

— Enfin, disait Rœmerspacher, vous n’imaginez pas déposséder la bande gambettiste et substituer au parlementarisme une démocratie autoritaire par des voies de droit ? Que Boulanger ait été hier soir la sagesse même, parce que la province refuserait de ratifier un coup de main, ou qu’il ait sacrifié un succès certain à des considérations humanitaires, ses biographes l’éclairciront. Admirez, si vous voulez, dans son piétinement les caractères d’une haute moralité. Mais le boulangisme n’aboutit pas, et, pour apprécier une action, il n’y a qu’un point de vue : a-t-elle atteint son but ? Tout est là. Un échec à Paris tuerait Boulanger. Son succès ne l’avance que dans les imaginations. Que deviendrez-vous, une fois le scrutin de liste et les candidatures multiples supprimés ? Le Général obtenant une majorité en septembre trouverait toujours devant lui le Sénat et le Président. Et croit-il que les possédants vont le laisser continuer ?

— Il est le chef, nous, les soldats ; nous obéissons répondaient Sturel et Suret-Lefort.