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BOUTEILLER ET LE PARLEMENT

nous vous donnerons toutes les satisfactions que vous désirez.

Cette phrase qu’en avril, à l’Hôtel du Louvre, il disait d’un ton demi-plaisant, il allait commencer de la publier à la tribune de la Chambre, à la barre des tribunaux, dans les colonnes de son journal.

Ce plébiscite du 19 août, après les échec de l’Ardèche, où le Général ne s’est pas montré, et de la Charente, où Déroulède a été battu malgré l’affiche « Voter pour Déroulède, c’est voter pour moi », prouve le caractère personnel du boulangisme. Qu’importe son programme, c’est en sa personne qu’on a foi. Mieux qu’aucun texte, sa présence touche les cœurs, les échauffe. On veut lui remettre le pouvoir, parce qu’on a confiance qu’en toute circonstance il sentira comme la nation. La dictature d’un homme se prépare contre le Parlement. « Dissolution, Révision, Constituante », cette formule déjà sommaire se simplifie encore dans l’esprit du peuple. Rien ne reste que « Vive Boulanger ! » mot d’amour précisé par le cri de gouaillerie, d’envie et de haine : « À bas les voleurs ! »

C’est le temps que le plus affiché de ceux-ci, M. Wilson, juge opportun pour rejoindre la troupe qu’il a désertée depuis ses scandales. En logicien du Palais-Bourbon qui ne tient pas compte des forces sans mandat, il estime que ses collègues lui faciliteront sa rentrée. N’est-ce pas leur intérêt d’atténuer son impopularité dans laquelle on les englobe ? Voilà ce qu’il a pensé dans sa barbe anglo-saxonne, ce calculateur glacé, ce parfait gentleman parlementaire. Et le 26 novembre 1888, dix minutes avant l’ouverture de la séance, il va s’asseoir à son ancienne