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L’APPEL AU SOLDAT

tion politique, toute direction suivie dans les négociations internationales et dans le perfectionnement de notre armée, ne tarderait pas à compromettre gravement le parti républicain et la patrie. Nos adversaires eux mêmes ne peuvent point nier certaines conséquences exécrables de la Constitution de 1875. Je ne parle pas des sympathies occultes que nos succès déterminent dans la Chambre, mais avez-vous suivi les remarquables articles de Bouteiller, dans la Vraie République, sur cette question capitale du Panama ? Il déclare hardiment qu’un gouvernement soucieux de l’intérêt public soutiendrait l’entreprise de M. de Lesseps, comme l’Empire a fait pour Suez. Il semble méconnaître que ces fluctuations, ces lâchetés officielles, qu’il dénonce, proviennent du système. Encore nouveau parmi nous, il espère pouvoir tirer parti d’un instrument politique que Gambetta lui-même déclarait d’un mauvais rendement. Heureusement, Boulanger lui épargnera des écoles trop longues. »

Renaudin, qui venait de mettre en voiture le comte Dillon, arrivait dans le groupe juste pour entendre cet optimisme du Nestor boulangiste et, assujettissant son lorgnon, il dit de cette voix où le voyou parisien doublait le traînard lorrain :

— Faudrait que Dillon fit son Arton !

Le sénateur sourit et laissa tomber ce mot que peu de personnes alors pouvaient comprendre.

Sturel, émerveillé des clartés que répandait ce ductile orateur, se disait : « Quel bénéfice d’entendre les principaux acteurs : voilà donc le secret des réflexions qui décident les politiques ! » Suret-Lefort, qui, depuis une demi-heure, jouait des épaules pour