Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
L’APPEL AU SOLDAT

à la Présidence : il serait habile de ne pas découvrir notre plan, parce que des gens diront que vous ambitionnez la dictature.

— Qui parle de dictature ? dit le Général mécontent. M. Grévy, M. Carnot, sont-ce des dictateurs ? À ce moment, de la pièce voisine, M. Dillon entra agitant devant son visage, pour la faire sécher, une lettre. Il la tendit au Général :

— Vois, Georges, si cela te convient ?

Ce tutoiement et ce « Georges » le rendaient digne d’envie. Après un coup d’œil et une approbation, le Général continua :

— Notez que, pour ma part, je n’ai jamais rêvé la présidence de la République. À Clermont-Ferrand, je n’aspirais qu’à rentrer au ministère pour y terminer trois ou quatre réformes suspendues par mon départ. Aujourd’hui, c’est vrai, quelques-uns de mes amis et le sentiment public me font entrevoir la première magistrature de l’État. D’autres, comme Rochefort, qui n’est pas si déraisonnable, voudraient la supprimer. En attendant, elle est accessible à tout citoyen français et on n’a taxé d’ambition aucun de nos présidents.

Dillon se tournait vers les jeunes gens, regardait avec amour le Général et disait par ses gestes, par toute son altitude : « Est-il assez simple, loyal ? Comme on le calomnie ! »

— On n’est pas tout seul candidat à la Présidence, continuait Boulanger ; on le devient par un concours de circonstances subies souvent à regret. En apprenant la décision de la commission d’enquête, mon vieil ami Dillon pleurait.

À ce moment, une entente parfaite de dévouement