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STUREL CHEZ LE SYNDIC DES MÉCONTENTS

avoir ici des choses que je ne comprends pas d’abord, pensait le jeune homme. Comment le tout serait-il aussi abordable, aussi plan que je crois le voir ! L’esprit de gouvernement, la patience d’écouter d’importuns discours, l’adresse à mener les hommes par leurs passions et par leurs intérêts, et à les amuser par des espérances, voilà l’envers de cette tapisserie qu’après ce bel accueil je serai certainement autorisé à étudier de près. » Comme le flot, quand nous plongeons d’une barque notre main dans l’eau, vient à intervalles réguliers nous frapper, les phrases de Boulanger et de Suret-Lefort se brisaient contre l’oreille de Sturel sans toucher son intelligence, car il avait l’âme sortie de lui-même par l’enthousiasme.

Le Général marchait de long en large :

— Expliquez bien à vos amis que le parlementarisme, tel que nous le voyons fonctionner, tend à établir une façon d’aristocratie. Je suis un démocrate, et non pas un partisan de ce corps parlementaire où chacun pense à ses intérêts, jamais à ceux de la patrie. Aucune responsabilité n’existe aujourd’hui. Elle est éparpillée de telle façon que le peuple se trouve en présence de capes tendues par des professionnels qui toujours se dérobent, jusqu’à ce que, lassée, la pauvre bête populaire plie les jarrets, soit à leur discrétion. Nous voudrions, n’est-ce pas, que le pays fût le plus souvent possible consulté sur les réformes. Et pour les nombreuses questions qu’il ne peut résoudre directement, qu’il sache du moins à qui réclamer des comptes.

— Mon Général, dit Suret-Lefort, à cette heure vous avez vingt députés ; dans un an, la France entière sera boulangiste, et on vous portera de force