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L’APPEL AU SOLDAT

— Et vous les enlèverez, mon Général ! On s’est créé de vous une image supérieure à tous les partis. Mais existe-il en France les éléments d’un personnel nouveau ? Où trouverez-vous vos candidats ? Il ne reste hors des affaires que les hobereaux…

— Ce sont de bons toqués !

— … et les révolutionnaires,

— Des braves gens qui pour une idée se feraient casser la tête… Je n’ai le droit d’excommunier personne ; je fais appel à tous les bons Français, comme le drapeau rallie tous les braves.

— Eh ! dit Suret-Lefort, quel républicain pourrait reprocher au Général d’amener à la République les réactionnaires ?

Boulanger haussa les épaules avec un geste qui signifiait « c’est la simplicité, l’évidence même » !

— Ce parlement ! disait-il, c’est d’un chinois ! Un jour il faut s’appuyer sur les opportunistes, le lendemain sur les monarchistes, et toujours des soucis purement politiques. Il m’est arrivé d’intervenir et de dire (se tournant vers Suret-Lefort) : « Et la France ? qu’est-ce que vous en faites là-dedans ? » On me regardait avec des airs ahuris. Eh bien ! ce que voudraient ces braves gens qui de toutes les classes se réunissent dans le boulangisme, c’est fonder le parti de la France : un parti qui renoncerait à la chicane oratoire pour ne s’occuper que des intérêts généraux, un parti sans groupes et qui n’aurait pour souci que le travail dans la paix, avec l’Honneur national pour drapeau.

En parlant, il étudiait la figure de Sturel qui se hâtait de l’approuver, très vite, pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas à peser ses mots. « Il doit y