Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
STUREL CHEZ LE SYNDIC DES MÉCONTENTS

et aux gestes qui ne peuvent plus l’étonner, — s’occupait sans bruit à ramasser çà et là des images de propagande, des chansons éparses que les éditeurs offraient par reconnaissance à l’homme dont la popularité les enrichissait. Le reporter les liassa, puis mit une note au crayon : « Envoyer des remerciements aux dessinateurs et aux chanteurs, » pour les trois secrétaires qui, de huit heures du matin à sept heures du soir, suffisaient mal à tant de lettres entassées sur tous les meubles, jusque dans les fauteuils, et apportant de la France entière des encouragements, des conseils, de l’argent. Trop peu d’argent néanmoins, car sur la table on voyait des épreuves d’imprimerie : le Général prêtait pour cent mille francs son nom à une publication retentissante de M. Barthélémy, sur la guerre de 1870, et, levé à sept heures, avant de recevoir, il examinait le travail de son collaborateur. À ce bureau électoral, ce qui maintenait du caractère et, malgré le meuble de velours rouge, un certain aspect de tente impériale, c’était le couloir qu’on entendait bruire au dehors.

Dans un instant où Suret-Lefort prenait haleine, le Général se tourna vers Sturel. Par éducation, il préférait au verbalisme politique les faits. Il dit à son jeune visiteur :

— Vous êtes de Lorraine ? Un pays de soldats. Eh bien ! que pense-t-on là-bas ?

— Mon Général, vous avez tous les cœurs. Mais l’opportunisme tient le pays par mille influences locales.

— Tout cela ne résistera pas ; j’irai à eux, ils me verront, je leur parlerai.