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d’un côté les contes de nourrice[1] et la littérature commerciale, bâclée pour payer le cabaret[2], de l’autre une partie des contes de la fin de sa vie, alors qu’il n’était plus lui-même[3]. Le résidu, qui représente l’effort du poète et de l’artiste et a valu à Hoffmann sa réputation, comprend une trentaine de courts récits[4], reposant tous (il ne faut pas compter le Vampire parmi les bons) sur les mêmes phénomènes qu’enregistrent aujourd’hui avec tant de soin les Annales psychiques et d’autres recueils spéciaux[5], en France et hors de France. La coïncidence est, au fond, très naturelle, puisque Hoffmann a vécu au temps du mesmérisme, et que les phénomènes qu’il attribue au magnétisme n’ont fait que changer de nom ; on les appelle maintenant télépathie, suggestion à distance, etc., mais ce sont toujours les mêmes. De sorte que si ces phénomènes ont un fondement dans la réalité, Hoffmann cessera prochainement d’être un écrivain fantastique. Il aura simplement devancé la science et justifié sa prétention d’être un Voyant.

Ses meilleurs contes ont jailli sous la double influence indiquée plus haut. Ils procèdent tous d’une combinaison de troubles sensoriels, résultats de l’alcoolisme, et d’idées imprécises, relevant des sciences psychiques. Le mélange se fait à doses iné-

  1. Casse-noisettes, le Roi des Souris et l’Enfant étranger, écrits pour les enfants de son ami Hitzig.
  2. La Princesse Brambilla, Maître Puce, l’Élixir du diable, dont lui-même ne faisait aucun cas, et encore plusieurs autres. En général, la plupart des longs récits.
  3. Les deux derniers volumes, sauf quelques exceptions, de l’édition complète.
  4. Il suffirait de quelques changements et additions aux deux volumes de traduction française de Loève-Veimars, si populaires chez nous, pour avoir toute la fleur des œuvres fantastiques d’Hoffmann.
  5. Voir les travaux de MM. Gurney, Myers et Podmore.