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du Gérard de Nerval mage et voyant ; c’est celui qu’il a intitulé les Illuminés. L’auteur y montre l’occultisme jetant de profondes racines dans notre XVIIIe siècle incrédule et raisonneur, et agissant fortement sur la grande révolution par l’entremise de personnages qui n’étaient que les instruments des sectes d’illuminés. Sous prétexte de raconter la vie et d’exposer les théories des Cazotte et des Restif de la Bretonne, il esquisse le plan d’une histoire de l’Europe aux XIXe siècle où l’on verrait les rois recevoir les ordres des sociétés secrètes, et les événements obéir, en dernière analyse, à des influences mystiques. Quand Gérard de Nerval porta à la Revue des Deux Mondes les chapitres sur Restif de la Bretonne[1], M. Buloz exigea des coupures, à cause, disait-il, des tendances socialistes de certains passages. Pour la première fois de sa vie, le doux Gérard se fâcha, et cette discussion lui resta sur le cœur ; quatre ans plus tard, alors qu’il devenait dangereux, il se glissa dans la cuisine de M. Buloz à un moment où il n’y avait personne, ouvrit tous les robinets et se sauva, enchanté de son exploit.


VIII

Le printemps de 1853 fut mauvais pour lui. Aux visions ailées et souriantes avaient succédé de lourds cauchemars qui lui rendaient le travail impossible. Un dimanche soir qu’il se trouvait sur la place de la Concorde, après une journée d’hallucinations angoissantes, il résolut d’en finir : « À plusieurs reprises, je me dirigeai vers la Seine, mais quelque chose m’em-

  1. Revue des 15 août, 1er et 15 septembre 1850.