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le sommeil, disait-il, et surtout quand j’ai entendu beaucoup de musique, il se produit chez moi une confusion entre les couleurs, les sons et les parfums. C’est comme si les uns et les autres naissaient mystérieusement tous ensemble d’un même rayon de lumière et s’unissaient ensuite pour former un concert merveilleux. — Le parfum de l’œillet rouge foncé agit sur moi avec une puissance extraordinaire et magique. Je tombe involontairement dans un état de rêve, et j’entends alors, comme dans un grand éloignement, les sons d’un cor s’enfler et s’affaiblir tour à tour. »

Après des séries de séances trop prolongées au cabaret, les hallucinations se précisaient. Hitzig et d’autres amis étaient venus le soigner, à Varsovie, pendant une « fièvre nerveuse » assez grave, résultat de plusieurs mois de désordres. Hoffmann, très agité, très irritable, se plaignait sans discontinuer « des souffrances que lui infligeaient ses gardes-malades, qu’il prenait pour des instruments de musique. — Aujourd’hui, la flûte m’a cruellement tourmenté, s’écriait-il, désignant par là un ami qui parlait très bas et dont la voix avait quelque chose de langoureux. Ou bien : — Toute l’après-midi, cet insupportable basson m’a fait souffrir le martyre ; il manquait toujours sa rentrée, ou bien il était en retard. — Le basson était ***, qui avait une grosse voix de basse[1]. »

Les hallucinations des alcooliques sont presque toujours « pénibles, désagréables, agressives ». Ici encore, Hoffmann n’échappa point à la règle commune ; cependant, il n’a jamais eu les visions terrifiantes des malheureux qui se croient entourés d’assassins, de bêtes féroces ou immondes, qui voient couler du sang

  1. Biographie de Hitzig.