Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accepter du public. On se décida à le faire soigner un jour qu’on l’avait trouvé au Palais-Royal traînant un homard vivant au bout d’un ruban bleu. Malgré sa douceur, il se fâcha. Il ne concevait pas que les médecins eussent à intervenir parce qu’il avait promené un homard : — « En quoi, disait-il, un homard est-il plus ridicule qu’un chien, qu’un chat, qu’une gazelle, qu’un lion ou toute autre bête dont on se fait suivre ? J’ai le goût des homards, qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer, n’aboient pas et n’avalent pas la monade des gens comme les chiens, si antipathiques à Goethe, lequel pourtant n’était pas fou. » Ses amis le conduisirent dans la maison du docteur Esprit Blanche, à Montmartre ; il y entra le 21 mars 1841.

Une lettre qu’il y reçut de Francis Wey indique que cette première crise fut, en somme, assez douce : « J’ai appris par Théophile que ta santé est bien meilleure et j’en suis aussi joyeux, mon bon Gérard, que j’avais été affligé de ta maladie… Puisque tu as le bonheur de jouir, pour quelques jours encore, d’un repos élyséen, je me chargerai, si tu le veux, moi qui patauge dans la boue des affaires courantes, de tes commissions dont je te rendrai compte avec exactitude. Tu n’as qu’à parler… Je désire, mon cher ami, que tu me donnes de tes nouvelles directement. Tu dois avoir du temps à perdre, et des revanches de bavardage à prendre ; ainsi, fais-moi le plaisir de me gribouiller un peu de papier et de me dire tout ce qui te passera par la tête. J’irai te voir quand tu voudras ; car je sais que le convalescent est friand de visites. Après cela, je te plains assez peu. D’abord tu n’as rien à faire ; puis tu es chauffé, nourri et paisible comme un gentilhomme campagnard. Tu vis au milieu d’un tas d’arbres, comme une fauvette. — On dit que