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avec qui il s’était trouvé auparavant. Il resta dans cette condition depuis cinq heures de l’après-midi (moment de son admission) jusqu’au lendemain matin, trois heures. Cela se passait le 3 octobre.

« À cet état succéda un tremblement des membres et un délire accompagné, au début, d’une grande agitation, mais sans violences, — il parlait sans arrêter, — il avait une conversation dépourvue de sens avec des spectres et des êtres imaginaires qu’il voyait sur les murailles. Sa figure était pâle et tout son corps baigné de sueur. Nous ne parvînmes à ramener le calme que le second jour après son entrée.

« Conformément aux ordres que j’avais laissés aux infirmières, je fus appelé dès qu’il eut repris connaissance. Je lui adressai des questions sur sa famille, sa résidence, ses parents, etc. Mais je n’obtins que des réponses incohérentes et point satisfaisantes. Il me dit pourtant qu’il avait une femme à Richmond (ce que j’ai su depuis être inexact) et qu’il ne savait ni quand il avait laissé cette ville ni ce qu’étaient devenus sa malle et ses effets. Voulant relever son moral, qui s’affaissait rapidement, je lui exprimai l’espoir qu’au bout de peu de jours il pourrait jouir de la société de ses amis, et j’ajoutai que je serais très heureux de contribuer de tout mon pouvoir à son soulagement et à son bien-être. Il répondit avec véhémence que le meilleur service que pût lui rendre le meilleur de ses amis serait de lui faire sauter la cervelle d’un coup de pistolet, — que lorsqu’il contemplait sa dégradation, il souhaitait que la terre l’engloutît, etc. L’instant d’après, M. Poe eut l’air de s’assoupir, et je le quittai pour quelques moments. À mon retour, je le trouvai en proie à un délire violent ; les efforts de deux infirmières ne parvenaient pas à le maintenir dans son lit. Cet état persista jusqu’au samedi soir (il était entré le