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y voyait si clair dans son mal et en était à se demander s’il finirait par le crime !

Les effets de fantastique, au rebours, sont purement artificiels dans les contes de Poe ; il est bien entendu que nous n’y faisons pas rentrer les phénomènes du monde occulte, qui ne lui présentaient rien de surnaturel ; il y reconnaissait comme Hoffmann les manifestations de forces qui ne demeuraient mystérieuses que faute d’avoir été étudiées scientifiquement comme on essaie de le faire de nos jours. Nous voulons parler du fantastique proprement dit. Poe y arrivait au degré d’illusion que l’on sait par des trucs habiles et prudents, dont il n’a pas plus fait mystère que des autres. Il a même pris un plaisir malicieux à démonter sous nos yeux l’un de ses « effets » les plus célèbres, celui du petit poème appelé le Corbeau, et à dévoiler comment il en était arrivé de fil en aiguille, sans l’avoir prémédité, à créer l’impression de surnaturel dont frissonnent les personnes nerveuses. Poe n’a rien écrit qui nous en dise aussi long sur les côtés artificiels de son œuvre que la Genèse d’un poème, rien aussi de plus imprudent ; il casse notre joujou pour nous montrer ce qu’il y a dedans. Bien que le Corbeau soit dans toutes les mémoires, j’en citerai quelques strophes afin de faciliter les rapprochements :

« Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée, pendant que je dodelinais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. C’est quelque visiteur — murmurai-je — qui frappe à la porte de ma chambre ; ce n’est que cela et rien de plus.

« Ah ! distinctement je me souviens que c’était dans le glacial décembre, et chaque tison brodait à son