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briand sur la même ligne ; Florian est même nommé le premier, mais c’est peut-être sans intention.

En principe, Quincey faisait une exception pour l’influence allemande et la recommandait à ses compatriotes. Dans la pratique, il travaillait à démolir son représentant le plus éminent : « Caliban ivre, écrivait-il, ne s’est jamais donné une idole plus débile et plus creuse que l’Allemagne moderne en la personne de Goethe. » La réputation « extravagante » de ce faux grand homme est un bel exemple de ce qu’on obtient avec le « puffisme », en ne craignant pas de frapper fort. Wilhelm Meister est une « abomination », l’un des romans les plus « répugnants » et les plus « ennuyeux » que l’on puisse lire. Hermann et Dorothée amuse les bonnes gens qui n’ont pas beaucoup de littérature. Personne n’a jamais compris goutte à Faust, ni à divers autres écrits que l’auteur avait faits à dessein inintelligibles, afin de susciter entre les critiques allemands des polémiques profitables à sa réputation. Il les aurait mis d’accord en deux mots, si le sens de ce qu’il avait dit avait eu la moindre valeur à ses propres yeux ; mais il jugeait de bonne politique d’entretenir la querelle, car il était important que son nom continuât d’agiter le monde, et parfaitement indifférent qu’on se méprît ou non sur sa pensée. » Du reste, l’idole branlait déjà sur sa base : Quincey ne lui en donnait pas « pour deux générations » avant de s’écrouler, les défis au « bon sens » ne pouvant jamais se prolonger lontemps[1].

Il concentrait toutes ses sympathies sur la littéra-

  1. Goethe as reflected in his novel of Wilhelm Meister (1824). Cet article avait été écrit à l’occasion de la traduction de Wilhelm Meister par Carlyle. Quincey y attaquait aussi très violemment le traducteur et sa préface. Voir son article sur Goethe (1835).