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Elles étaient aussi très indiscrètes, et ce n’était pas pour déplaire à un public qui n’avait pas encore été rassasié de confidences intimes par les romantiques de toute race. Nous sommes aujourd’hui saturés jusqu’à l’exaspération de confidences intimes. Nous commençons à nous rebéquer contre les écrivains qui, non contents de nous initier à leurs affaires de cœur et d’argent, nous mettent au courant, comme Thomas de Quincey, de l’état de leurs digestions. En 1821, il y avait encore de l’inattendu dans le passage des Confessions d’un mangeur d’opium, pour n’en citer qu’un, où passe un souffle de M. Purgon et où la question « digestion » est traitée en détail, au point de vue des gens de lettres en général et de Thomas de Quincey en particulier. Moins ingénu, ce dernier aurait pu se douter, à un dîner donné en son honneur par le London Magazine, de l’amusement causé au public par certains de ses épanchements. Il remarqua que tous les regards se fixaient sur lui, que tous les yeux riaient et que certains d’entre eux étaient évidemment « pleins de malice[1] » ; mais il ne fit aucun rapprochement entre cette circonstance, qui le choqua beaucoup, et le contenu de ses Confessions.

Son succès n’en souffrit pas, au contraire, et Quincey fut dès lors recherché des directeurs de revues. Le charme était suffisamment rompu pour qu’il pût être un collaborateur fécond, bien que toujours irrégulier. Malgré des périodes de stérilité dues à ses rechutes (une année entière en 1822), la collection de ses œuvres choisies forme aujourd’hui quatorze volumes, contenant plus de cent essais extrêmement variés de ton et de sujet, quelques fantaisies poétiques et beaucoup de souvenirs personnels. Des livres aussi mor-

  1. London Reminiscences.