Page:Barchou de Penhoën - Histoire de la conquête de l’Inde par l’Angleterre, tome 4.djvu/525

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les princes les plus puissants de l’Inde se prosternaient là jusqu’à terre devant le trône de l’empereur. Un signe de celui qui l’occupait était une loi souveraine, un arrêt de vie ou de mort, un ordre qui parcourait l’immensité de l’Inde avec la rapidité de l’éclair, pour être exécuté avec l’inflexibilité des arrêts du destin. Mais à cette heure, combien les choses avaient changé de face ! le descendant du terrible Timour, du grand Akbar, d’Aurengzeb le victorieux, n’était plus qu’un vieillard aveugle, infirme, courbé sous le poids de l’âge, réduit à la pauvreté, dépouillé de toute autorité, assis sur un siège vermoulu, ombragé d’un dais à franges d’or terni, deux débris du temps ! double moquerie de la vanité humaine ! Il attendait avec terreur, avec angoisse le nouveau maître de Delhi. À peine délivré des Mahrattes, c’était pour passer aux mains, servir aux spéculations de quelques marchands de la cité de Londres. Cette révolution subite n’en répandit pas moins un grande joie parmi le peuple, dont l’extrême misère le portait à entrevoir une amélioration dans tout changement. Le général Lake se promettait d’ailleurs d’améliorer le sort de l’empereur ; il s’était hâté de le dire, et le bruit en se répandant dans la foule y produisit une exaltation de joie approchant du délire. Le merveilleux ne tarda pas à augmenter cette disposition : le peuple se plaisait à raconter qu’une main invisible avait rouvert les yeux de Shah-Alaum, afin qu’il pût contempler un moment son libérateur,