Page:Barchou de Penhoën - Histoire de la conquête de l’Inde par l’Angleterre, tome 1.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’empereur. En droit, au point de vue de la légalité, subahdar et nabobs étaient des fonctionnaires publics essentiellement révocables. Il entrait même dans l’esprit ombrageux du despotisme impérial de les changer souvent ; c’était le vrai moyen de leur ôter la possibilité d’acquérir un grand pouvoir dans leurs gouvernements. Un nabob nouvellement nommé, partant de Delhi pour se rendre dans son gouvernement, se plaça, dit-on, à rebours sur son éléphant, c’est-à-dire la tête tournée vers la queue ; il fit la route de cette façon : interrogé sur cette étrange manière de voyager, il répondit : « Qu’il voulait voir venir son successeur. » L’affaiblissement graduel du pouvoir central ne devait pas tarder à changer cet état de choses : les nabobs, en commençant par ceux des provinces les plus éloignées, s’affermirent peu à peu dans leurs gouvernements ; au lieu du revenu total de leurs provinces, ils n’en firent plus passer à Delhi qu’une somme moindre et déterminée d’avance ; enfin, de progrès en progrès dans cette voie, ils devinrent indépendants. On les menaçait bien d’une grande armée qui devait incessamment partir de Delhi pour les aller châtier ; mais cette grande armée n’arrivait jamais. Les nabobs sont ainsi demeurés en paisible possession de leurs gouvernements, et, ce qui est plus étonnant encore dans un État despotique, on en a vu nommer eux-mêmes leurs successeurs, qui souvent les ont remplacés avec moins de difficulté que n’en a l’héritier