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Les cyclistes, les officiers, les ordonnances se détachent du long bloc mouvant. Puis, par fractions, à mesure qu’on avance, des hommes s’engouffrent sous les porches des granges, les maisons d’habitation encore disponibles étant réservées aux officiers et aux bureaux… Notre peloton est d’abord conduit au bout du village, puis – il y a eu malentendu entre les fourriers à l’autre bout, celui par où nous sommes entrés.

Ce va-et-vient prend du temps et, dans l’escouade, ainsi traînée du nord au sud et du sud au nord, outre l’énorme fatigue et l’énervement des pas inutiles, on manifeste une fébrile impatience. Il est d’une importance capitale d’être installés et lâchés le plus tôt possible si l’on veut mettre à exécution le projet caressé depuis longtemps : trouver à louer chez un habitant un emplacement muni d’une table où l’escouade puisse s’installer aux heures des repas. On a beaucoup parlé de cette affaire-là et de ses doux avantages. On s’est concerté, on s’est cotisé, et on a décidé de se lancer cette fois-ci dans cette dépense supplémentaire.

Mais sera-ce possible ? Beaucoup de locaux sont déjà accaparés. Nous ne sommes pas les seuls à apporter ici ce rêve de confort, et ce sera la course à la table… Trois compagnies arrivent après la nôtre, mais quatre sont arrivées avant, et il y a les popotes officieuses des infirmiers, des scribes, des conducteurs, des ordonnances et autres, les popotes officielles des sous-officiers, de la Section, que sais-je encore ?… Tous ces gens-là sont plus puissants que les simples soldats des compagnies, ont plus de mobilité et de moyens, et peuvent tirer leurs plans d’avance. Et déjà, alors que nous marchons par quatre, vers la grange dévolue à l’escouade, on en voit de ces fantaisistes, qui apparaissent sur des seuils conquis, et se livrent à des occupations ménagères.

Tirette imite le bruit du beuglement et du bêlement.

— Voilà l’étable !

Une grange assez vaste. La paille, hachée, et où la