assez. Y aura plus de guerre quand l’esprit de la guerre sera vaincu !
Comme le mugissement du vent avait étouffé à moitié ces mots, il érigea sa tête et les répéta.
— L’Allemagne et le militarisme, hacha précipitamment la rage d’un autre, c’est la même chose. Ils ont voulu la guerre et ils l’avaient préméditée. Ils sont le militarisme.
— Le militarisme… reprit un soldat.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-on.
— C’est… c’est la force brutale préparée qui, tout d’un coup, à un moment, s’abat. C’est être des bandits.
— Oui. Aujourd’hui, le militarisme s’appelle Allemagne.
— Oui ; mais demain, comme qu’i’ s’appellera ?
— J’sais pas, dit une voix grave, comme celle d’un prophète.
— Si l’esprit de la guerre n’est pas tué, t’auras des mêlées tout le long des époques.
— Il faut… il faut.
— Il faut se battre ! gargouilla la voix rauque d’un corps qui, depuis notre réveil, se pétrifiait dans la boue dévoratrice. Il le faut ! — et le corps se retourna pesamment. — Il faut donner tout ce que nous avons, et nos forces et nos peaux, et nos cœurs, toute not’ vie, et les joies qui nous restaient ! L’existence de prisonniers qu’on a, il faut l’accepter des deux mains ! Il faut tout supporter, même l’injustice, dont le règne est venu, et le scandale et la dégoûtation qu’on voit — pour être tout à la guerre, pour vaincre ! Mais, s’il faut faire un sacrifice pareil, ajouta désespérément l’homme informe, en se retournant encore, c’est parce qu’on se bat pour un progrès, non pour un pays ; contre une erreur, non contre un pays.
— Faut tuer la guerre, dit le premier parleur, faut tuer la guerre, dans le ventre de l’Allemagne !
— Tout de même, fit un de ceux qui étaient assis là,