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— Bien sûr. C’est pas d’leur faute, en somme. N’empêche que ces soldats de profession, pensionnés, médaillés – alors que nous, on est qu’des civils – auront eu une drôle de façon de faire la guerre.

— Ça m’fait penser à un forestier qu’j’ai vu aussi, dit Volpatte, qui f’sait d’la rouscaillure rapport aux corvées qu’on l’obligeait. « C’est dégoûtant, m’disait c’t’homme, c’qu’on fait d’nous. On est des anciens sous-offs, des soldats ayant au moins quatre années de service. On nous donne la haute paie, c’est vrai ; et après ? Nous sommes des fonctionnaires ! Mais on nous humilie. Dans les Q.G., on nous fait nettoyer, et enlever les ordures. Les civils voient c’traitement qu’on nous inflige et nous dédaignent. Et si tu as l’air de rouspéter, c’est tout juste si on n’parle pas de t’envoyer aux tranchées, comme les fantassins ! Qu’est-ce que devient notre prestige ! Quand nous serons de retour dans les communes, comme gardes, après la guerre – si on en revient, de la guerre – les gens, dans les communes et les forêts, diront : « Ah ! c’est vous que vous décrottiez les rues à X… ? » Pour reprendre notre prestige compromis par l’injustice et l’ingratitude humaines, j’sais bien – qu’i’ disait – qu’il va falloir verbaliser, et verbaliser encore, et verbaliser à tour de bras, même contre les riches, même contre les puissants ! » qu’i’ disait.

— Moi, dit Lamuse, j’ai vu un gendarme qui était juste : « Le gendarme est sobre en général, qu’i’ disait. Mais il y a toujours de sales bougres partout, pas ? Le gendarme fait positivement peur à l’habitant, c’est un fait, qu’i’ disait ; eh bien, je l’avoue, y en a qui abusent à ça, et ceux-là – qu’est la racaille de la gendarmerie – s’font servir des p’tits verres. Si j’étais chef ou brigadier, j’les visserais, ceuss-là, et pas un peu, qu’i’disait, parce que l’opinion publique, qu’i’ disait encore, s’en prend au corps de métier du fait de l’abus d’un seul agent verbalisateur. »

— Moi, dit Paradis, un des plus mauvais jours de ma