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» Ah ! mon vieux, ruminait notre camarade, tous ces mecs qui baguenaudent et qui papelardent là-dedans, astiqués, avec des kébrocs et des paletots d’officiers, des bottines – qui marquent mal, quoi – et qui mangent du fin, s’mettent, quand ça veut, un cintième de casse-pattes dans l’cornet, s’lavent plutôt deux fois qu’une, vont à la messe, n’défument pas et l’soir s’empaillent dans la plume en lisant sur le journal. Et ça dira, après : « J’suis t’été à la guerre. »


Un point avait surtout frappé Volpatte et ressortait de sa vision confuse et passionnée :

— Tous ces poilus-là, ça n’emporte pas son couvert et son quart, pour manger sur le pouce. I’ leur faut ses aises. I’s préfèr’t mieux aller s’installer chez une mouquère de l’endroit, à une table exprès pour eux, pour chiquer la légume, et la rombière leur carre dans son buffet leur vaisselle, leurs boîtes de conserves et tout leur bordel pour le bec, enfin, les avantages de la richesse et de la paix dans ce sacré nom de Dieu d’arrière !

Le voisin de Volpatte secoua la tête sous les cataractes qui tombaient du ciel et dit :

— Tant mieux pour eux.

— J’suis pas maboul… recommença à dire Volpatte.

— P’t’êt’ ; mais t’es pas conséquent.

Volpatte se sentit injurié par ce terme ; il sursauta, leva furieusement la tête, et la pluie qui le guettait s’appliqua en paquet sur sa figure.

— Non, mais des fois ! Pas conséquent ! C’purin-là !

— Parfaitement, monsieur, reprit le voisin. J’dis qu’tu rousses et qu’pourtant tu voudrais bien être à leur place, à ces Jean Foutre.

— Pour sûr, mais qu’est-ce que ça prouve, face de fesse ? D’abord, nous, on a été au danger et ce s’rait bien not’ tour. C’est toujours les mêmes, que j’te dis, et pis, pa’ce qu’y a là-d’dans des jeunes qu’est fort comme un bœuf, et balancé comme un lutteur, et pis pa’c’qu’y