Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sée, et elle était molle et blanche comme la main d’une femme… Aussi, ne m’expliquant rien et voulant m’expliquer tout, j’ouvris frénétiquement la porte de ma boutique et je regardai. À la place de l’homme que je croyais trouver là, il y avait une mare de sang.

Ce n’était pas un éloquent que Gilles Bataille. Cet homme qui avait été un petit pâtre de la lande de Taillepied, dans son enfance, faisait en parlant des pataquès que j’ai supprimés. Il disait d’habitude la petite pour l’appétit et nombril d’amis pour nombre d’amis, et il croyait même que cela s’orthographiait ainsi. Mais il eût été éloquent qu’il n’aurait pas produit plus d’effet, ma parole d’honneur !

Ils ne pensaient pas à lui, ceux qui, l’écoutaient ; ils pensaient à ces voleurs qui avaient coupé le poignet à leur complice et qui l’avaient emporté.

— De fiers hommes, tout de même ! — dit Kerkeville, qui était homme à en faire autant, car il était énergique.

— Je rentrai dans ma boutique, reprit Bataille, et je regardai longtemps cette main,