Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’admirer, mais il se demandait si, malgré sa fière énergie, cet homme pourrait comprimer toute sa vie une nature semblable à la sienne, et rester le masque de fer de son idée.

Or, s’il ne le pouvait pas, si un jour le front du sacrilège fendait le masque en se gonflant, si la foudroyante vérité allait en sortir sous le coup de quelque providentielle catastrophe, alors l’éternelle question « que deviendrait Calixte ? » lui reprenait le cœur et lui en arrêtait les battements d’effroi, car il savait bien ce qu’elle deviendrait, la malheureuse ! L’idée aussi du mal en soi, — du mal absolu qu’allait consommer Sombreval, pendant des années, dont on ne pouvait mesurer le nombre, en faisant monter l’athéisme et l’hypocrisie à l’autel ; la damnation certaine de cet impénitent qui allait, tous les jours, boire et manger son jugement éternel avec le pain et le vin du saint calice, ajoutaient aussi la terreur religieuse à la terreur humaine dans ce jeune homme qui n’avait pas la piété de Calixte, mais qui, comme les enfants des gentilshommes de ce pays et de ce temps, était, après tout, un chrétien !

Il s’en revenait donc, triste et préoccupé, refaisant seul la route qu’ils avaient faite à deux, — et cette route, qui n’était pas moins triste que sa pensée, tout en augmentait la