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quer tout des défaillances de nos esprits et des misérables révolutions de nos cœurs ? La grâce m’aura touché ! L’Église, qui sait bien ce qu’elle fait quand elle veut être infatigable au pardon, a inventé la grâce, qui peut toujours reprendre un homme… Mais, Néel, je vous le dis, à vous qui aimez ma fille jusqu’à l’épouser si elle voulait, il n’y a pas eu de grâce pour moi. Je mens quand je le dis ! Entendez-vous ? Je mens ! Je suis toujours le même que j’étais, — le même qu’il y a huit jours et qu’il y a vingt ans.

Je suis toujours ce même Sombreval que vous avez méprisé aussi, vous, quand j’ai pris possession du Quesnay. Je n’ai pas plus de Dieu maintenant que je n’en avais alors… Mon dieu, c’est Calixte ! Voilà mon seul dieu ! Et c’est parce qu’elle est mon seul dieu que je feins de revenir au sien. C’est pour la sauver ; c’est pour qu’on ne me la déshonore pas plus longtemps ! c’est pour qu’elle puisse vivre heureuse avec vous, Néel, avec vous, de cœur assez mâle pour l’épouser et la défendre. Oui, c’est pour cela que le vieux Sombreval, qui ne manquait pas de fierté autrefois, accepte aujourd’hui l’ignoble singerie à laquelle il va condamner sa vieillesse !

Il aurait pu parler longtemps. La foudre de cette déclaration venait de frapper Néel comme la foudre frappe. On reste debout et on n’existe