Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ah ! si tu n’avais pas perdu la foi, malheureux homme, tu le verrais, et ta douleur serait moins amère ! Ô mon pauvre Jeanotin ! maintenant que tu l’as embrassé, ce corps qui fut tout pour toi, et que Dieu qui a fait l’âme aussi, et qui veut qu’on aime l’âme de son enfant, t’a ôté des bras et des lèvres, replace-la respectueusement dans cette tombe que tu as violée et qu’elle y dorme jusqu’au jour du jugement, dans la paix du Seigneur !

Mais jamais la flamme tombant au sein d’une poudrière ne fit explosion plus instantanée et plus violente que les paroles de la Malgaigne sur l’âme soulevée de Sombreval.

— Tais-toi, la Malgaigne, tête renversée ! lui cria-t-il, redevenu terrible. Ne me parle plus de ton Seigneur ! Sa paix ? qu’il me la mette au cœur, s’il le peut, ce monstre chimérique auquel tu crois, folle ! Ah ! je l’en défie ! Non, Calixte ne rentrera pas dans cette tombe d’où je l’ai tirée ! Non, je ne veux pas que la terre bénie de ton Dieu soit sur elle !

Et il se leva de toute sa hauteur, et ses deux bras se croisèrent par-dessus le suaire de sa fille qu’il étreignit contre lui, menaçant et farouche… Les tigresses croisent ainsi leurs griffes sur leurs petits, quand elles croient qu’on va les leur enlever.

— Pauvre insensé ! — dit la Malgaigne, — que