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course forcenée, vers le cimetière de Néhou.

Quand il y tomba, car il faut se servir, pour dire la furie de son arrivée, du mot qu’on emploie pour la foudre et pour le boulet, Néel avait le dos tourné à l’entrée du cimetière, mais un cri ! un cri comme il n’en pouvait sortir que d’une seule poitrine, le fit se retourner brusquement, et il vit…

Ah ! ce qu’il vit n’était plus un homme ! — n’était plus Sombreval ! mais un gigantesque et formidable amas de vêtements déchirés, de sang et de boue, au-dessus duquel une tête aux longs cheveux gris soulevés par le vent et par la course, — cette course effrénée qui durait depuis Coutances à travers les fossés, les halliers et les fondrières, — se dressait, furieuse de douleur ! On aurait pu s’étonner que cette tête déchevelée, qui couronnait les épaules de cette haute stature, ne fût pas restée, comme celle d’Absalon, accrochée aux branches d’un des arbres sous lesquels elle avait passé.

Mais c’est que Sombreval, plus fort qu’Absalon, avait, par la traction des muscles de son terrible cou, arraché violemment de son crâne et laissé aux branches des arbres, heurtés de sa tête nue, les longs et durs cheveux qui s’y étaient entortillés. Sa tête ravagée portait, à bien des places, la trace saignante