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morte. Il prit la main de la vieille Hantée, et la conduisant au lit de Calixte :

— Ô notre mère à tous, lui dit-il, ensevelissez-la. Vous avez raison : il n’y a que l’amour maternel qui puisse toucher à ce corps de vierge. Ce n’est pas l’autre amour !

Et, comme on s’arracherait le cœur, il s’arracha de cette chambre et il envoya la négresse Ismène aider à la Malgaigne dans le pieux devoir qu’elle allait remplir.

Quand elles eurent fini, il vint reprendre son poste de dévouement auprès de cette morte, cousue dans son suaire, et près de laquelle la Malgaigne avait allumé ce cierge funèbre que, dans le langage populaire, on appelle la chandelle des morts. Il ne dit pas à l’octogénaire de s’en aller, et elle resta. Elle ne se mit point à genoux, mais elle s’assit sur ses talons comme elle le faisait à l’église, et elle se tint immobile au bord du lit, momie qui gardait un cadavre !

D’abord Néel crut qu’elle priait, et il respecta sa prière ; mais son nom, qu’il crut saisir, mêlé à ces paroles inintelligibles comme elle avait l’habitude de s’en adresser à elle-même, le tira de l’accablement qui avait suivi tant d’émotions et le rappela au sentiment de la seule réalité qu’il y eût pour lui dans le monde : la prédiction qu’elle lui avait faite et répétée