Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

descendre sur le front placide et froid, le front adoré et mort et désormais sans pensée. Fasciné, il se baissa ardemment vers ce front où il avait si longtemps désiré mettre ses lèvres, mais il se releva aussitôt, et comme s’il se fût rejeté en arrière devant un gouffre :

— Non ! dit-il. Je l’aime trop. Je la profanerais.

L’abbé admira cette noblesse. — Que Dieu vous bénisse, monsieur ! fit-il, attendri. Vous étiez digne d’elle, et elle l’aura vu de là-haut.

— Croyez-vous, — dit Néel, croyez-vous qu’elle y soit dans ce moment ?… Croyez-vous vraiment qu’elle soit morte ? Morte ! tout à fait morte, comme l’a dit ce médecin stupide qui n’a pas pu la sauver ! Elle est glacée… Oui, elle semble morte… Mais je l’ai vue ainsi tant de fois ! Et vous aussi, monsieur le curé, ne l’avez-vous pas vue aussi, une fois, dans cette léthargie qui ressemble tant à la mort qu’on s’y méprend ? Pourquoi n’y serait-elle pas encore ?… Nous la croyons morte… Si elle ne l’était pas ?…

L’abbé avait encore hoché la tête… puis ce hochement de l’incrédulité s’était arrêté pendant que Néel parlait… Ce qu’il disait était possible !

— Ah ! reprit Néel, — car l’amour dans les