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ce jour ?… M’accorderez-vous encore ce jour !… Oh ! prenez-moi plutôt des années dans votre Purgatoire ; mais, Dieu de mon âme, accordez-moi encore ce jour !

Jamais prière ne s’était élancée d’une âme pour s’enfoncer dans le cœur de Dieu avec plus d’énergie ! On a dit, pour exprimer l’ardeur de la foi : la folie de la croix. C’était la folie de la prière ! Les deux pères qui étaient là sentirent la grandeur de l’amour filial qui priait ainsi, et eux, les légers de leurs temps, ils joignirent les mains et s’unirent mentalement à la prière de cette divine enfant, qu’ils envièrent peut-être à Sombreval.

Mais tout à coup, comme si elle eût eu l’intuition dernière, elle fondit en pleurs :

— Non ! — dit-elle, — je mourrai demain. Quand il arrivera, je serai morte… Il m’aime trop pour qu’il me retrouve vivante, — ajouta-t-elle avec une profondeur catholique qui leur donna le frisson à tous. — Et ne se partageant plus, ne se séparant plus d’avec son père :

Nous sommes condamnés ! — s’écria-t-elle.

À cette idée, « le Démon de la crise (comme depuis l’a dit l’abbé Méautis), suspendu longtemps au-dessus de sa tête par nos prières et par nos larmes, tomba perpendiculairement sur elle ! » Son corps se roidit et sa gorge se con-